Les ateliers d'écriture, utiles pour progresser dans l'art de l'écriture ou miroirs aux alouettes ?
Les séances collectives d’écriture permettent des temps d’échange pendant lesquels les participants exercent leur art collectivement. Ils se déroulent souvent dans des cadres enchanteurs : jardins, arrière-salles de brasserie ou belles demeures. Ces décors bucoliques ou historiques offrent toujours une parenthèse agréable.
Les ateliers d’écriture sont utiles pour rencontrer des aspirants écrivains ou expérimentés dans l’art d’écrire qui en ont fait leur métier, voire même des talents de la littérature.
Mais ont-ils un véritable impact sur le talent d’écriture des participants ?
Permettent-ils de débloquer l’inspiration, de trouver des astuces de style, d’améliorer sa syntaxe ?
Sont-ils la clé pour devenir un écrivain accompli ?
Les ateliers d'écriture : un passage obligé ou un luxe accessible ?
De nos jours, il existe toutes sortes d’ateliers d’écriture, amateurs ou professionnels, stages immersifs sur plusieurs semaines ou simplement quelques heures. Les tarifs varient, du prix d’une consommation ou celui de l’adhésion à une association, jusqu’à quelques centaines, voire milliers d’euros. Autant dire qu’il y en a pour tous les goûts et désirs d’investissement. Des écrivains à succès proposent même des masterclass : Eric Emmanuel Schmitt, Bernard Werber, Douglas Kennedy et même Marc Levy vous promettent de livrer leurs secrets d’écriture ! Des amoureux de la lecture ou de l’écriture peuvent aussi vous proposer des sessions sans prétention et parfois sans contrepartie financière.
Ces offres diversifiées constituent une opportunité pour les écrivains amateurs et professionnels, d'affiner leurs compétences, explorer de nouveaux genres, partager leurs expériences avec d'autres passionnés d'écriture.
Mais connaît-on d’anciens élèves de ces classes qui seraient devenus écrivains célèbres ou accompli ? Là est la question!
Je compte sur vous pour me révéler la réponse, si vous l'avez !
Je vous propose d'apporter à toutes ces interrogations l'éclairage de mon expérience.
Faut-il participer à des ateliers d’écriture quand on veut devenir écrivain ?
Pour ma part, quand j’ai commencé à écrire des textes pour les envoyer aux éditeurs, dans les années 1980, je n’avais jamais participé à un atelier d’écriture. En ce temps là, très peu étaient proposés et leurs prix n’étaient pas dans mes moyens. Mais bien sûr si cela avait été aussi facile qu’aujourd’hui, j’aurais tenté l’aventure plus tôt pour me faire une opinion.
Tandis que je continuais à noircir des pages, le doute subsistait. Me manquait-il quelque chose, une base que seuls les ateliers d’écriture m’auraient enseigné ?
Les avis des écrivains du vingtième siècle sur les ateliers d’écriture m’ont rassurée en reppussant l'idée d'une éventuelle lacune. La plupart des auteurs du siècle dernier estimaient que les ateliers d’écriture étaient de la fumisterie, qu’on naît bon écrivain mais que le talent ne se trouve pas dans un cours et que s’il se travaille, ce n’était sûrement pas dans ces cercles d’écriture où un mauvais écrivain n’avait aucune chance de devenir bon, même si un bon pouvait au mieux s’y améliorer, au pire y perdre son temps et son argent, sous-entendu côtoyer des personnes qui finalement ne lui apporteraient rien. Point de vue évidemment discutable !
La quête de sens
Au cours de mes lectures, j’ai eu souvent l’occasion de découvrir ces avis des écrivains sur les ateliers d’écriture. Au détour d’une phrase, d’un chapitre, il arrive que l’auteur d’un roman nous livre des points de vue personnels sur l’écriture ou la littérature. Je pense en particulier à Philippe Djian, Henri Miller, Peter Handke, David Lodge, Ernest Hemingway ou Charles Bukowski. D’autres ont partagé leurs avis lors d’interview ou même de livres destinés aux aspirants écrivains, comme Stephen King. Je n’ai jamais lu d’avis enthousiaste parmi ces auteurs. Tous exprimaient un scepticisme, une méfiance ou même un rejet, valorisant plutôt l’apprentissage autodidacte, le vécu, la pratique régulière de la lecture et de l’écriture à partir d’un certain talent acquis ou inné, plutôt que de suivre des règles théoriques et normes préétablies dans un cadre formel et trop normatif qui pouuvait présenter le risque de perdre sa voix unique.
Ces écrivains voyaient-ils les ateliers comme une menace, mettant à la portée du tout-venant le talent littéraire qui, encore auréolé de prestige et de mystère, restait l’apanage d’un cercle réduit d’élus ?
Les ateliers proposés à l’époque étaient-ils vraiment trop peu nombreux ou trop peu professionnels ?
On pourrait aller plus loin dans la réflexion en se demandant si, au 21è siècle où les ateliers d’écriture ont finalement trouvé bonne presse, la littérature aurait perdu de son exigence. Est-elle arrivée à la portée d’apprentissage de tout un chacun ?
Ou peut-être sommes-nous tous devenus plus cultivés, grâce à l’éducation, aux bibliothèques, l’accès à la culture nous a-t-il tiré vers le haut, et donc rendus plus aptes à toucher du doigt le talent nécessaire pour devenir un grand écrivain ?
Pour finir, sommes-nous nés écrivains ou pouvons-nous cultiver notre talent au sein de ces cercles d'écriture ?
Je n’ai pas vraiment la réponse à ces questions mais j’espère que vous alimenterez le débat en commentaires ! En attendant je vous invite à poursuivre ma quête…
La découverte et le désenchantement
Je fus donc un temps soulagée à la lecture de ces avis mitigés et ai continué à faire mon chemin d’écriture. Tout de même la curiosité subsistait, comme elle ne peut s’éteindre tant qu’une expérience n’est pas vécue.
Que pouvait-il bien se passer dans ces mystérieux cercles d’écriture ?
Eh bien j’étais loin de me douter de ce qui allait suivre.
Un jour par hasard l’occasion s’est présentée à moi. L’université Paris 1 proposait pour une modique contribution, de participer à un atelier organisé dans un cadre prestigieux, pendant la pause déjeuner ! C’était donc la proposition idéale et rêvée pour enfin découvrir une séance collective d’écriture.
Je pris le métro un peu avant midi pour me rendre non loin du Panthéon. L’ascension de la fameuse rue de la Montagne Sainte Geneviève diffusait déjà dans mon esprit des effluves de succès germanopratins masquant la cacophonie des moteurs diesel. J’inspirais à pleins poumons cette ode à la liberté, la promesse de m’évader le temps du déjeuner de la pénible morosité du travail de bureau : faire danser les mots à travers champs, à travers prés, réaliser des galipettes de ponctuation au-delà des frontières, naviguer de phrase en phrase dans des univers où tout est permis ! Je sentais le bout de mes doigts frémir d’impatience en caressant mon bloc de feuilles vierges dont je n’avais bien entendu point omis de me munir.
Le cadre était évidemment enchanteur, verdoyant autour de vieilles pierres lutéciennes. Nous voici rassemblés à une dizaine de pratiquants, en majorité des femmes d’après mes souvenirs. Les petits sièges en bois rappellent l’école primaire, on ferme les stores pour masquer un soleil pourtant timide – aurait-il pu nous perturber ? Ou pour empêcher notre inspiration de fuir ? – qu’importe, nous voici en train de religieusement écouter les consignes qui nous mèneront vers le galop d’écriture qui nous est promis, cheveux au vent de notre talent naissant.
Point de difficulté, le groupe n’a pas vraiment d’ambition que de se faire plaisir et finalement, après un tour de table des prénoms et rapide présentation, il ne s’agit que d’écrire un texte libre en quinze minutes.
En préliminaire, quelques minutes de relaxation les yeux fermés doivent nous permettre de plonger au fond de notre inconscient et d’y attraper la première image venue ! La consigne, pour le moins succincte me convient bien.
Le matin même j’étais passée sur le trottoir devant un immeuble qui avait brûlé récemment, l’odeur flottait encore dans l’air, la porte carbonisée et les poubelles éventrées m’avaient pris à la gorge. La vision de quelque nounours doudou grand brûlé et démembré pendouillant d’une poubelle béante m’avait enveloppé d’une robe de chambre de tristesse. Au bout de la rue, la vie et l’heure du travail approchant m’avaient rhabillé de mes oripeaux du quotidien. Et voilà que cette image ressurgissait sous mes paupières, sans doute à cause de l’odeur d’un briquet allumant une cigarette -oui nous fumions partout en ce temps-là, et plus facilement en intérieur qu’à l’extérieur-.
Et bien cela était parfait, j’allais donc écrire là-dessus durant quinze minutes et en extraire toutes les sensations possibles au service de destinées que j’imaginai sur le champ. J’étais ravie. Voilà une façon idéale de trouver un sujet pour un texte fort.
L’étape suivante au terme des quinze minutes consistait en la lecture de chaque texte, tour à tour, par son auteur, suivi bien entendu de commentaires positifs du reste de l’assemblée.
Lorsque vint mon tour, je commençai à lire les premières phrases, puis continuai. Je ne regardai pas l’assistance qui suivait religieusement mes paroles comme il se doit.
Malheureusement j’étais à peu près à la moitié de la lecture de mon texte lorsqu’une des participantes a poussé un cri et a fondu en larmes. Rapidement son accès de tristesse s’est transformé en une véritable crise inextinguible. Des torrents de larmes, des hoquets, des hurlements, elle se tordait les mains, s’arrachait les cheveux et alla même jusqu’à se rouler par terre. J’étais bien entendu pétrifiée et embarrassée. Cette réaction à mon écrit était extrêmement impressionnante et j’en étais la cause ! C’était à la fois embarrassant et en même temps j’avais mal pour elle !
La calmer ne fut pas une mince affaire. Elle sortit de la salle avec l’intervenante. Puis revenue au bout d’un certain temps, elle me prit à part et m’expliqua que ces images, cette histoire, étaient la sienne car elle avait perdu toute sa famille dans l’incendie de leur maison quand elle était enfant dans un autre pays, qui était par coïncidence pure celui que j’avais choisi pour ma fiction, et que mon texte était tellement réaliste qu’il l’avait fait replonger dans l’horreur, avec les odeurs, les couleurs, la chaleur et les cris que j’avais si bien décrits.
Ensuite, elle expliqua que l’écriture était pour elle à visée thérapeutique, et tous les autres membres acquiescèrent. Je réalisai soudain que cet atelier était censé servir d’exutoire à des personnes peut être en quête d’une guérison.
Mais ce n’était pas mon cas. Moi je voulais juste améliorer mes romans et savoir si les ateliers d’écriture étaient utiles.
Bref je n’ai jamais pu achever la lecture du texte écrit ce jour-là et je repartis travailler plus choquée qu’enthousiaste.
Je me jurai de ne plus jamais participer à un atelier d’écriture.
Un Nouveau Départ
Quinze ans plus tard, le souvenir de cette séance à la limite du spiritisme persistait mais le traumatisme était effacé et je me lançai de nouveau. Sur « onvasortir », un atelier gratuit était proposé dans un café, il suffisait de consommer.
Je respirai très fort, fis une prière pour que le but de cet atelier fût bien « de passer un bon moment dans la légèreté et la bienveillance » comme le vantait la description, et me lançai de nouveau.
Serrés dans l’arrière-salle d’un café, la douzaine de participant se présenta, puis l’animateur. Les consignes étaient simples, avec quelques contraintes de style, il s’agissait d’écrire et de lire à l’assistance plusieurs textes courts, en deux heures.
Au bout de deux heures j’avais quelques feuillets en main et mal aux fesses.
Finalement j’ai renouvelé l’expérience plusieurs fois mais n’y ai trouvé ni inconvénient ni avantage. Chacun semblait écrire pour soi mais les interactions me paraissaient assez superficielles et surtout je ne trouvais pas de ficelles pour m’améliorer, avec des exercices aussi courts et sommaires.
J’aurais peut-être dû persévérer, mais ayant une activité professionnelle, je continuai d’écrire mes romans sans pouvoir exploiter la production des ateliers qui finalement me prenaient du temps pour rien, je rejoignais les avis de mes auteurs préférés. J’abandonnai donc momentanément cette solution, même si j’étais un peu en perte d’inspiration pour de nouveaux thèmes mais comme on ne peut pas tout faire dans la vie, il fallait bien choisir, j’éliminai cette solution qui apparemment ne m’avais pas apporté beaucoup même si j’avais cessé de considérer les ateliers d’écriture comme des activités pouvant être potentiellement dangereuses psychologiquement pour mon auditoire.
Enfin, quelques années plus tard, je découvris un jour de désœuvrement fugace, un atelier animé par une scénariste pour la télévision. La première séance d’essai était à un prix très abordable, les suivants seraient beaucoup plus chers, mais cela valait le coup d’essayer surtout que j’étais dans une période où je ressentais le besoin d’écrire sans trouver de nouvelle matière. J’avais juste besoin d’un petit truc pour relancer la machine, le coup de pistolet alors que j’étais sur la ligne de départ.
Et cette fois, ce fut une grande réussite ! En naquit même mon premier roman publié « La puissance des ordinaires ». Je ne remercierai jamais assez l’intervenante de cet atelier dont j’ai perdu les coordonnées. Mais si elle me lit, je serais tellement heureuse de la retrouver !
Je ne m’inscrivis pas aux autres séances car le but de l’atelier n’était pas d’écrire un livre ensemble mais juste d’écrire pour écrire et moi mon but je l’avais bien dit, était d’écrire un livre en entier, je l’aurais volontiers fait à plusieurs, mais ce n’était ni l’objectif des autres participants ni de la prof. Nous arrêtâmes donc là notre collaboration, et je la tins informée de la sortie de mon livre et de l’utilité du rôle de son atelier dans cette affaire.
Mon atelier d'écriture
J’ai d’ailleurs trouvé que cette formation était tellement utile, miraculeuse, que plus tard, j’ai proposé un atelier qui s’en inspirait. Il a eu lieu le 18 janvier 2020 de 15 heures à 17 heures à la librairie « pause bouquins », rue Rieussec à Viroflay, qui recycle vos livres et que je vous recommande d’ailleurs, c’est la caverne d’Ali Baba !
Voici le programme de mon atelier. Si cela vous intéresse, faites-le moi savoir, et si nous sommes suffisamment, je pourrai proposer une nouvelle séance !
Aux sources de la création littéraire : écrire une fiction
Introduction – Présentation – Objectifs de la séance
Tour de table
Séquence 1 : écrire pour soi ou les autres ? (20 minutes)
Séquence 2 : situer l’action dans le temps, l’espace. Création collective (5 minutes)
Séquence 3 : créer des personnages - création collective (15 minutes)
Séquence 4 : dialoguer avec son personnage - Insérer son personnage dans le lieu, l’époque, raconter son histoire : création personnelle puis restitution collective (30 minutes)
Le rôle de l’inconscient et des 5 sens : création personnelle puis restitution collective (30 minutes)
Faire interagir les personnages : libre selon avancement
Prochain atelier si les participants le souhaitent :
faut-il faire un plan, définir une intrigue ?
En conclusion
Mon avis basé sur mon expérience est que les ateliers d'écriture se révèlent être un terreau fertile pour certains, offrant inspiration, structure et parfois même guérison. Cependant, leur efficacité dépend largement de la cohérence entre les attentes individuelles et les offres proposées par ces ateliers. Ainsi, la décision de participer à de tels événements reste une décision personnelle, souvent teintée d'expérimentations et de découvertes individuelles.
Et à présent que vous connaissez mon histoire un peu particulière en lien avec les ateliers d’écriture, je suis curieuse de connaître les vôtres !
Je sais qu’il existe aussi d’autres formes d’activités pour s’entraîner à l’écriture que les ateliers : nanowrimo, résidences d’écrivain… Pour ma part, ma contribution s’arrêtera là, mais si vous avez participé à ce type d’initiative, vous pourriez nous raconter à votre tour vos expériences !
Et voilà, dans l’attente de vos contributions, cet article est terminé. J’espère qu’il vous a plu.
Les prochains articles aborderont la question de la correction des manuscrits, témoigneront de belles aventures en salons et dédicaces, révèleront des astuces de style pour écrire…
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pour la suite de nos aventures passionnées et passionnantes !
Encore merci chère Laurence !
Comme tu le sais, je suis encore une petite débutante...
Mais j'ai organisé des ateliers d'écriture ! Pour le plaisir, comme loisirs. Et il y avait vraiment de tout : de très beaux textes, des histoires merveilleuses, des souvenirs, des histoires rigolotes,...
Mais je ne pense pas que ça ait permis d'apprendre... Ou peut-être si : apprendre que l'écriture peut être un exutoire, peut permettre de se raconter, de s'amuser,... Apprendre sur les autres participants et, comme tu me l'as dit un jour récent : s'imaginer lire tout haut devant tout le monde aide à prendre conscience de ses erreurs... Savoir qu'on va le faire en vrai met tout de suite la barre plus haut…
Très bon article. J’ai participé lors d’unz formation à un atelier d’écriture expérience sans intérêt, qui ne m’a rien apporté hormis des foux rires et des contacts.
Lorsque j'ai vu le GIF de l'éléphanteau chaussé de baskets rose, j'ai deviné que tu allais envoyer du lourd ! 😁 Sacrée Laurence !
J'ai participé à un seul atelier. Après relax, l'animatrice nous a proposé d'écrire un court texte, dont j'ai oublié le thème. Je me souviens du texte d'une dame qui partait à la chasse aux taupes dans son jardin, et qui était drôle, mais j'ai oublié le mien. En revanche, ce dont je me rappelle c'est la réaction de l'animatrice et du groupe à ma lecture (éblouis, pâmés) et cela m'avait non seulement agacée, car j'avais écrit n'importe quoi à la va-vite, et, car, de plus, je déteste ces moments de congratulations et autocongratulations.
Je pense qu'il…